Y'a pas de nom? Mais si, Yapadnom!
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Elthenarion
Nelson Monfaible
Elthenarion


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MessageSujet: Away From Home   Away From Home Icon_minitimeLun 15 Aoû - 17:53

Je suis pas chez moi, j'ai des idées, du coup vive l'internet,, méga sauvegarde-de-la-mort!

--

C'était une vieille légende.
Et comme la plupart des vieilles histoires qui avaient fait que les hommes avaient cru en leurs dieux, elles avaient depuis longtemps laissé place a de nouvelles légendes, plus tangibles, plus crédibles, parfois même camouflées sous le nom de "Religion". Mais les vieilles légendes, et leur nature tribale, brute et pleine de puissance subsistaient, s'accrochant aux mémoires.

Tout le monde avait oublié que les dieux, autrefois, venaient se pencher sur les berceaux des enfants pour leur procurer leur bénédiction, façonnant ainsi le destin du monde, un individu à la fois. Plus personne ne se rapellait que dans cette danse célèste, chacun avait son mot à dire, ou pouvait choisir de se taire. C'était ainsi que, dans des temps immémoriaux, les individus naissaient et devenaient ce qu'ils devaient devenir.
De nos jours, les humains, présomptueux qu'ils étaient, avaient commençé à appeler ça autrement, a "comprendre" le phénomèe et a se l'expliquer, a demi-mots, entre idividus férus de science. Ils appellaient ça l'hérédité.
Et de nos jours, tout le monde savait qu'un enfant prenait a ses parents son physique, et a son éducation son mental. Tout le monde.

Sauf, bien sûr, les dieux.
Ils n'oubliaient pas façilement. D'aucun aurait pû dire qu'ils étaient bornés, incapables de se renouveler ou de se remettre en question, et généralement incapables de recevoir une critique constructive. Mais d'aucun aurait aussi pû recevoir un gros éclair sur la face en plein soleil. Alors d'aucun tentait à se taire, ces temps ci.

Alors, ce soir-là, alors que la lune, vague assiette de porcelaine sur la nappe sale de la nuit, rayonnait comme venant d'être lavée, le berceau du petit Aziraphel Smith fut couronné d'une étrange ombre intangible, juste l'espace d'un instant. Mais cet instant dura pile assez longtemps pour qu'il se passe une éternité.

Iseld, dieu de la chance, jeta un regard curieux sur le bambin, qui lui rendit d'une étrange manière. Il lui fit une grimace, et l'enfant se fendit d'un sourire, qui vint bientôt se refléter sur le visage du Dieu. Pendrakonis, plus loin dans la pièce, en bon dieu de la guerre, jeta un regard noir vers son collègue.

- "Il faut nous dépècher, on n'a pas tout la nuit", tonna t-il, de sa voix de tonerre tonnant
- "Enfin, c'est notre devoir, on le fait depuis la nuit des temps, on peut bien le faire bien une fois de temps en temps!" Répondit, acerbe, Stavalkar, dieu de l'ironie, de l'humour et de la tromperie, a vrai dire plus pour irriter Pendrakonis que par sincère préoccupation.
- "M'enfin au final, faut pas se leurrer, on en a encore pour un moment... heureusement que cet instant dure longtemps... ajouta Tolvan, dieu vaillant a la barbe rousse.

Petit a petit, les discussions sur ce rituel ancien s'élèvèrent parmi les dieux. Seul Iseld, jusque là incroyablement discret, continuait de fixer le bébé dans les yeux, tentant de provoquer le maximum de réaction chez lui. Et alors que derrière lui, parmi la cohorte des dieux majeurs, la discussion commençait a se transformer en dipute, aussi vite qu'elle n'avait commençé, le dieu de la chance sortit une pièce d'argent de sa poche.

- ET MOI JE TE DIS QU'ON A MIEUX A FAIRE! Pas vrai, Nite? hurla Pendrakonis avec toute la fureur que la guerre peut déployer.
Nite, dieu de la mort, prenant ici la forme d'une simple cape volettante au vent comme à son habitude, n'émit pas un son. S'il avait entendu la question (et nul, même parmi les dieux, n'était vraiment sûr qu'il le pouvait), il choisit de ne pas y répondre.
Thiercelin, dieu des marchands, répondit avec un rictus:
- "Tu sais bien que Nite ne parle pas..."
- "QUI NE DIT MOT CONSENT! "Lui rabattit Pendrakonis dans la face avec une agresivité non refoulée.

Non, vraiment, la soirée était teintée de calme et de bonne humeur, comme, à vrai dire, toutes les réunions de ce type ou l'ensemble du panthéon ardalien se retrouvait coincé dans la même pièce.
Et en parlant de pièce.

"Aura t-il les yeux bleux, ou les yeux verts?"
D'un geste sec, Iseld envoya la pièce en l'air. Elle vola, tourbillonant au gré de la chance.
Les cris fusèrent soudain alors que le bruit de l'argent tintant sortit les dieux de leur dispute, et toute la colère du monde se tourna soudain, en une violence incroyable, vers Iseld, qui en fut renversé par terre
C'éait l'inconvénient d'être la personification d'un concept. Un simple autre concept pouvait vous toucher de plein fouet. Et là, il venait de prendre chèr en agressivité.

"MAIS NON BOUGRE d'ANDOUILLE!" cria le dieu de la guerre
"Ce n'est pas la règle, On ne fait pas comme ça!" le gronda la déesse des lois
"Bah je sais pas, ça me parait vachement plus efficace que notre méthode habituelle..." ricana Stavalkarentre deux cris
"Mais attends nous bougre de sagouin!" envoya Jansenlain, dieu technologique.

Et tous allèrent de leur petit réprimande au pauvre Iseld qui, allongé par terre, semblait maintenant fixer un point bien précis sur le sol. Et, petit à petit, au milieu des cris, des insultes et de la dispute qui rejaillit, les regards, constatant qu'Iseld restait bloqué, se tournèrent lentement vers ce qu'il regardait. Et peu à peu, la dispute mourut.

"ET POUR LA DERNIERE FOIS, NON, MA MERE N'EST PAS UN JAMBON... J'AI MÊME PAS DE MERE, JE SUIS UN DIEU BORDEL DE MOI DE NOM DE MOI!" Hurla, une fois de plus, un Pendrakonis remonté à l'adresse d'un Stavalkar maintenant fasciné par ce qu'il voyait.
Petit à petit, la tête du dernier, l'irréductible gronchon, se tourna aussi vers ce que tout le monde regardait.
Sur le sol, la pièce reposait. Tombée nonchalament sur le tranche. Oh, bien sûr, c'était une histoire d'interpétation, coicée qu'elle était entre la jambe du berceau et la commode adjascente, cela n'aurait pas compté, pour beaucoup, comme une VRAIE tranche.
Mais dans le pile ou face cosmique, on savait reconnaitre les signes révélateurs. C'en était un.

Quelqu'un dans le fond de la clique des dieux étonnés, sans qu'on puisse vraiment dire qui c'est (ce n'était pourtant pas Lornin, dieu de la discrétion, qui était ENCORE absent à la réunion). murmura un faible
"Et ben on aura tout vu."

Iseld se laissa emporter par l'euphorie. Et, étrangement, tout les dieux arrétèren de crier pendant un bon quart d'heure. Ils étaient trop occupés.
Au bout de ces quinze minutes de paix, on recompta les voix, on divisa les parts, on calcula les probabilités. Et ce fut fait. oh, bien sûr, il y en eut plusieurs pour contester les résultats, mais il furent reçu par un grand coup du plat de la lame de la déesse de la justice et des lois, qui ne rigolait pas avec la démocracie. Il y eut deux trois disputes, bien sûr, et étrangement Stavalkar ne fut jamais loin ni jamais très silencieux dans ces moments précis, mais non, dans l'ensemble, tout se passa bien.
En tout cas mieux que d'habitude.

Alors, après une éternité relativement courte, pour une fois, l'nstant passa.
Et alors que le temps reprit ses droits sur la course du monde, quelque part dans les yeux du bambin, encore grisés par la jeunesse, deux petits pigments, infimes à l'oeil nu, presque invisibles, se dessinèrent. Sur un oeil, on aurait pû, avec la précision d'un télescope, distinguer un bleu serein. Sur l'autre, avec l'aide d'un diamantaire accompli, un vert perplexe.
Ou étais-ce l'inverse?
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Elthenarion
Nelson Monfaible
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MessageSujet: Re: Away From Home   Away From Home Icon_minitimeLun 15 Aoû - 18:03

Ibsen posa un regard dur sur le feuillage du chène centenaire qui venait ombrager la majorité de la place, ne laissant passer que de vagues taches de lumière même par le plus gros soleil. Les feuilles, rougeoyantes et fatiguées par le rythme des saisons, venaient se suicider mollement sur le pâvé et sur la tête des badauds insoupçonneux. Parfois, une feuille volletait, éphémère, dans le vent, en plein bruissement général, comme si les autres se mettaient à trembler de peur pour l'orpheline qui descendait vers son deuil. C'était l'automne a Chèvreport, et les pavés se paraient de leur robe se soirée feuillue, devenant a chaque heure plus vicieux sous les bottes des passants hagards. Car les feuilles se vengent depuis la nuit des temps en faisant tomber les passants et cette année, les feuilles semblaient particulièrement vicieuses.
La place avait été astucieusement dénomée la Place du Chêne, plus par concensus populaire que par la décision d'un urbaniste zélé au service du Duc de Chèvreport. Car l'endroit était aussi vieux que l'arbre en lui même, et certains disaient qu'il ne mourrait jamais. Il y avait beaucoup de légendes sur ce géant de bois qui posait ses yeux sur les toits de la ville. Tant, en fait, que nul n'aurait pû en une vie mortelle tous les apprendre, entre ceux oubliés, ceux présents et ceux a venir. L'endroit, a n'en point douter, était d'une beauté rare dans une ville aussi urbaine, et les gens l'avaient bien compris. Et malgré leur nature contradictoire et leur mauvaise foi légendaire dans tout le royaume d'Ardalie, nombre de Portichévrains mettaient leurs scrupules de côté pour venir s'y prélasser dès qu'ils le pouvaient.

Ibsen, lui, n'était pas tout à fait arrivé a transcender ses racines. Il était né, avait été élevé et avait vécu sa vie dans la plus pure tradition d'austérité des Sourceliers de la Cour du roi, et son transfert soudain au Conservatoire de L'Art de Chèvreport n'avait fait qu'accentuer son silence et son apparente froideur extrème.
Changer, comme lui, de conservatoire était extrèmement rare, et souvent motivé par une demande personelle ou un changement radical de mentalité, qu'il soit dû a l'expérience ou a l'instabilité mentale que la sourcellerie implique et provoque chez ses pratiquants. Lui voyait d'un mauvais oeil son transfert. Il y avait peu de mages qui avaient sû garder autant de sérieux dans leur activité que lui, et il n'avait jamais dépassé les limites, contrairement a beaucoup.
A bien des égards, Ibsen était un Sourcelier d'exception, dans la plus pure tradition d'excellence du Conservatoire d'Aleron, capitale sacrée de toute l'Ardalie. Austère, travailleur et droit. C'étaient les qualités qu'on lui avait inculquées, et il les avait depuis longtemps integrées.

Et pourtant, on l'envoyait ici. Dans un Conservatoire Laxiste, laissant libre cours a l'expérimentation sauvage et à la curiosité. Car chaque conservatoire avait ses particularités, sa propre philosophie. Tout le pays conaissait l'excellence des sourceliers de la cour d'Aleron, l'instabilité et la puissance des Tempestiers de Bataille de Trondal, l'ingéniosité des Sourceliers Jaunes de Brondhelm... ainsi, bien sur que... l"effervescence du conservatoire de Chèvreport".
Pour certains, c'était une flatterie, et souvent les Portichèvrains se targuaient de leur créativité et de leurs "innovations magiques", mais pour Ibsen la vérité était tout autre. Le Conservatoire de l'Art de cette ville était celui ou l'on regroupait les inconstants, les ambitieux au delà des limites, les expérimentateurs instables et tous ceux dont on estimait que la magie était trop spécifique, trop originale.
Et c'était pour cela qu'il n'arrivait pas à avaler son envoi soudain. Il n'était pas de ceux là. Ses recherches, certes atypiques, auraient pû ouvrir de nombreuses voies a la magie la plus haute. Après tout, contrôler la nature même de la Sourcellerie n'était pas une ambition folle, ses recherches avaient même des résultats palpables... Mais deux ans seulement après s'être lancé corps et âme dans cette nouvelle voie de magie, il se retrouvait ici.
Parqué avec les autres originaux.
Loin de sa terre natale. Loin de ses Compagnons. Loin des fabuleuses Tartes de la boulangère du coin. Et à force de fixer le feuillage au dessus de lui, il réalisa petit à petit que dans l'histoire, c'étaient surtout les tartes qui comptaient pour lui. Son estomac se manifesta par un petit grondement. Il releva la tête de son tas de feuille improvisé, et se dégagea du carré de pelouse qui encadraient l'arbre centenaire. Petit à petit, réveillant ses muscles de cette sieste impromptue durant laquelle il n'avait pas dormi, il se releva. Il l'avait raide.

Ibsen présentait, même dans cette situation, très bien. C'était un bel homme, attaquant la première partie de ses trente ans, au charisme indéniable. Haut d'un mètre quatre-vingt dix, il toisait de son regard brun les passants avec une certaine froideur analytique confinant au militaire. Ses cheveux, maintenant trop longs a son gout, étaient plaqués en arrière en un chignon serré, qui se situait à équidistance parfaite de son oreille droite et de son oreille gauche selon des mesures précises et sans cesse renouvelées. Se tenant droit en toute circonstance, d'un maintien impeccable, et parfaitement rasé, il distillait une aura d'officiel même dans les plus sombres moments du quotidien. Il paraissait même d'un sérieux impérieux en achetant son pain ou en recousant ses chaussettes trouées (à la perfection, bien sûr.).
Et présentement, même au sortir de la sieste et sans trop rien à faire, sa grande silhouette vêtue du manteau long cérémonial des Sourceliers de la Cour paraissait affairée à scruter la place comme si le Roi lui même lui avait demandé de lui compter les feuilles, les gens et les pâvés. Il y avait quelque chose de sacré dans la façon dont ses sourcils s'inclinaient en alternance lorsqu'une remarque mentale venait le titiller. Bien sûr, à Chèvreport, ou le passant moyen a a peu près autant de conaissance des uniformes royaux que la moule sédentaire, il avait surtout l'air bizarre et étrangement intense.

Il scrutait principalement les gens, et rapidement il revint a ce qu'il s'était dit plus tôt dans la matinée à son arrivée en ville. On trouvait de tout ici, et notamment sur cette place centrale ou toutes les classes sociales, toutes les races, tous les metiers semblaient converger. Ca et là, il reconnut parmi les curiosités des Ashanis (une race a la culture tribale du sud-ouest de l'ardalie) habillés comme des gentilhommes, un ou deux peaux-pâles, des Norilibs déduit-il, ou encore une bande d'Orginseng, ces géants aux allures de fauves, marchant a pas rapide vers le quartier pauvre.
Il crut même reconnaitre sous un capuchon profond un Rokh, et ceci surtout à cause de la galbure étrange de ses épaules qui figuraient une paire d'ailes repliées.

Il n'en fut pas a proprement parler surpris. La réputation de la région n'était plus à faire en terme de mélanges, mais devant le fait accompli, il se sentait si loin d'Aleron et de sa population presque exclusivement humaine qu'il laissa échapper un soupir discret. Il avait beau ne pas être raciste, on lui avait bel et bien appris à se méfier des autres cultures. Il n'était plus chez lui désormais, et la notion que cette ville puisse devenir son chez lui n'arrivait pas à se concrétiser dans son esprit.
Peut-être qu'avec le temps, se dit-il, il allait s'habituer, mais pour l'instant il était en terre étrangère, et devait se comporter comme un bon représentant, en étant fidèle aux vieux préceptes. Alors, estimant qu'il avait assez passé de temps a visiter la ville, il commença a s'éloigner de l'Arbre vers l'une des artères de la ville, pour se diriger dans la direction des toits du Conservatoire. Sur son visage, un observateur particulièrement bon aurait sans doute pû reconnaitre une vague moue genée, mais il eut fallu être équipé d'une lentille plutôt puissante pour déceler les subtiles variations dans son visage. Fort heureusement, Ibsen n'étant pas barbu, c'était encore possible.

Et c'est ici, a l'entrée de cette place qu'il allait quitter, qu'il fit une étrange rencontre. Le destin, beaucoup le savent, est un maitre doté d'un humour particulier, qui fait les coincidences et les hasards fâcheux. Il n'y avait pas à proprement parler de divinité dans le Panthéon Ardialien pour le représenter. C'était un concept bien trop large pour cela, et à leur façon chaque dieu participait à sa façon a la constitution de ce plan ineffable qu'on nomme la fatalité.
Malheureusement pour les humains, Stavalkar et Iseld, l'humour et la tromperie, mais aussi la chance, faisaient parti de ceux qui s'amusaient le plus avec le destin. Et à cet instant précis, leurs regards étaient braqués sur une feuille.

L'enfant n'avait vraiment rien de particulier. Affublé d'une tunique marron bien trop grande qui figurait une vague toge longue, aux manches relevées par un ourlet massif, il semblait ridiculement petit. Il n'avait guère plus de sept ans, sans doute, et semblait affairé a perdre son regard le long flot des badauds qui passaient devant lui sans même un regard. Se balançant sur ses semelles dans un équilibre parfois précaire, il paraissait attendre quelque chose avec une attention relative. Ses cheveux, ondulés et en bataille, blonds comme les blés, étaient soufflés dès qu'ils venaient gêner sa vision, c'est à dire constamment. Sa bouche semblait un flot incessant de petits souffles secs et ses cheveux des épis de maïs mous pris dans une tornade molle.

Son accoutrement arracha un sourire camouflé à Ibsen. Etrangement, cela le soulagea quelque peu, mais il n'aurait vraiment sû pourquoi. Le jeune enfant, dans sa trop longue tunique, lui rappelait les uniformes fatigués que l'on donnait aux apprentis, et dans lequel il avait à l'époque passé plusieurs années. Bien sûr, ils étaient pour la plupart parés de dorures et parfaitement taillées, et celui du petit faisait pâle figure face au sien, mais l'évocation de ce souvenir lui arrachea un sourire en coin sans qu'il ne put le contrôler.
Il en détachea bientôt son regard pour se diriger vers sa destination, un petit pincement de nostalgie lui prenant au coeur, et il avanca a pas pressés vers l'artère. Pourtant, quelques instants à peine plus tard, il sentit sa manche tirée vers le bas par une main frêle. Se retournant, ses yeux bruns tombèrent dans ceux de l'enfant.
Les sourcils d'Ibsen remontèrent alors que le regard double de ce curieux enfant vint se poser en plein dans le sien. Ce fut la première fois qu'il fut transpercé par les deux regards perçants de Mallow. L'un était d'un vert d'émeraude pur, frappant de profondeur. L'autre était d'un bleu lumineux, rayonnant comme le soleil. Deux yeux dépareillés et pourtant si complémentaires. L'enfant paraissait à la fois d'un vert perplexe et d'un bleu infiniment serein. Ou peut-être l'inverse.
Sans rien dire, Mallow amena la manche d'Ibsen quelques centimètres plus loin, le forcant a faire quelques pas. Il semblait d'une concentration extrème mais néanmoins infantile.
Ibsen se laissa faire avec perplexité devant le silence du jeune homme qui paraissait plus interessé par le ciel que ce qu'il était en train de faire. Il ne paraissait même pas avoir envisagé de parler, d'expliquer ou de se justifier. Alors le Sourcelier, interpellé, préféra ne rien dire et suivre tranquillement l'enfant pour comprendre.

Ce dernier lacha la manche avec aussi peu d'expressivité qu'il ne l'avait attrapée, et de ses petits pas hagards dans ses bottines de cuir trop grandes vint se placer a l'endroit même ou Ibsen se tenait quelques instants avant. Et, semblant serein et absorbé dans l'observation poitue de quelque chose qu'Ibsen ne parvenait pas à voir, il se remit a tanguer des talons. Curieux, Ibsen se tourna vers lui pour continuer a l'observer, mais après quelques instants de silence il ne put s'empêcher de demander:

Tu cherches quelque chose? Besoin d'aide?

L'enfant tourna la tête vers lui et le frappa une nouvelle fois de son regard dépareillé. Il sembla réfléchir un instant, tant et si bien qu'on aurait pu dinstinguer la pensée, quelque peu lente, faire le chemin dans son cerveau et jusqu'a sa bouche. Il bougea les lèvres, comme pour se rappeler comment on était sensé parler a un inconnu. Il ne semblait ni apeuré, ni surpris, ni même vaguement excité. Un calme placide semblait l'emplir totalement.
Euh...non, tenta t-il, d'une petite voix
Alors pourquoi m'avoir amené ici?
Ca va arriver...

Ibsen adressa un regard étonné à l'enfant qui ne semblait déjà plus s'interesser à lui. Sans trop comprendre, il mit cela sur le compte des affabulations d'un enfant en train de jouer, et lui adressa un sourire condescendant avant de reprendre sa route l'instant d'après. Mais le premier pas qu'il fit fut étrange.
Alors il se retourna. Et il vit toute la chute de la feuille. Comment elle voletta en tourbillonant, au gré des vents capricieux. Et comment, doucement, très lentement, elle se dirigea vers l'enfant. Il ne bougea pas. Il ne la regarda même pas. Il ferma même les yeux pour gonfler ses joues d'air. Et lorsqu'il souffla, la feuille perdue tourbillona un instant au dessus de lui, en rotation parfaite, avant de reprendre sa chute. Son chemin, a priori si hasardeux, si erratique, finit en apothéose pile dans la poche ventrale de sa tunique, se déposant à la verticale dans l'ouverture fine.
Stavalkar et Iseld, dans les cieux, s'en tpèrent cinq avec un grand cri d'enthousiasme avant de s'en retourner a un interessant lancé de pièce dans un jeu quelque peu mortel ou des destins allaient se jouer.
Ibsen posa un regard inquisiteur sur l'enfant. Il venait de voir quelque chose d'extraordinaire. Et il était magicien de métier. C'était pas peu dire en somme.
Il était, techniquement, possible de faire ça. Mais dans la sourcellerie, le mot techniquement prenait tout son sens. Les Sourceliers sentaient la source. Le flot de l'univers, en somme, qui someille en chaque chose et qui fluctue selon une logique ineffable. Après un certain temps, les observateurs de ce flot erratique pouvaient commençer a en ressentir les nuances. Beaucoup de mages possédaient un instinct redoutable, à la limite de la prescience même, parfois.
Mais quelque chose comme ça repoussait toutes les limites des possibles. Il aurait fallu des années a un mage moyen pour arriver a ce résultat, et des semaines a un practicien aguerri des techniques de préscience. Certes, le jeune age était l'age d'or de la Sourcellerie pure et sauvage, et le potentiel se révelait surtout à cet age et ne faisait que décliner ensuite, mais c'était tout de même incroyable.

Ibsen, malgré ses immenses difficultés à produire certaines expressions faciales, se tourna vers l'enfant en tentant de paraitre le plus avenant possible. Il échoua misérablement: son visage ne différa en rien de son expression habituelle.
" Dis mon petit, tu crois que..."

L'enfant tourna ses yeux vers lui et le toisa de façon méfiante. Il ne lui laissa pas le temps de finir.
"C'est MA feuille." précisa t-il, coupant court à tout débat.

"Oui, je comprends bien, c'est autre chose que je dois te demander" se rattrapa Ibsen.
"Je dois pas parler aux inconnus. C'est dangereux les inconnus, surtout ceux qu'on des grandes toges. C'est mes parents ils ont dit."
"Mais tu m'as parlé, juste là? Il y a un instant."
"Oui, mais plus maintenant. Et c'est pas la peine d'essayer de reprendre ma feuille" répondit le gamin, toujours persuadé de la solidité de sa logique plus que tout. "C'est pas passque t'étais ou qu'elle allait tomber qu'elle était à toi. Elle aurait même pas tombé dans ta poche. Alors c'est la mienne"

Un micro-froncement de sourcil irrité vint faire tréssaillit discrètement le front d'Ibsen alors que la discussion tournait en queue de poisson de son point de vue. Il ADORAIT les enfants. Il les aimait surtout très silencieux et très très loin de lui. Mais présentement, il sentait qu'il y avait quelque chose à tirer de cette rencontre. Malheureusement pour lui, l'enfant ne somblait pas y attacher la même importance. Il repartait déjà vers le coin de la rue. Il fallait le rattraper, après tout si ce n'était pas un hasard, c'était une trouvaille. Et quelle trouvaille! Un prescient de première qualité!
Il le rattrapa bientôt.

"Attends, je te jure que j'ai quelque chose de très important à te dire!" dit Ibsen, tentant de capter a nouveau l'attention de l'enfant, qui se retourna. Mais cette fois, son regard était plus froid, bardé des lames de l'inquiétude. Soudain, la peur prit Ibsen au ventre un court instant. La peur n'était sans doute pas la bonne émotion a faire ressentir a un enfant sourcelier, surtout si ce dernier était... influençable.
Et soudain, alors qu'il ressentit autour de lui la source tourbillonner en un point précis, il s'affola soudain et s'écarta du chemin de l'enfant dont l'expression était devenue une moue de colère. Ses deux yeux dépareillés tournés vers ceux de l'adulte, il resta immobile un instant alors que la source se plia a son désir.

"Tu Me Regardes PAS Partir! T'es un inconnu!" gronda l'enfant d'une voix un peu plus grave qu'il n'aurait dû avoir.

Et soudain, Ibsen, peu préparé, ne vit plus que le noir total, comme aveuglé par un flash noiratre d'encre impénétrable. Il incanta une courte formule, archaïque mais utile de contresort, et en un instant ce désagréable voile noir se désagrégea. La vue recouvrée, il vit la ruelle vide, et pour seule vestige de la présence de l'enfant, un bouton roulant sur le sol. Il le ramassa avec ce qu'un diamantaire bien équipé aurait pu distinguer comme une moue déçue.
Mais cela ne s'arretait pas là.

Alors, avec un peu de colère, il ouvrit les yeux. Puis, il les ouvrit une seconde fois.
Et puis il vit. Il vit la source, ses fluctuations, son tourbillon incessant dans la ruelle, dans la ville, dans le monde. Il sentit les vagues de cette rencontre se répercuter dans le flot. Quelque chose d'important venait de se passer. Il ne savait pas pourquoi, ni comment, mais ce n'était pas un hasard. Cet enfant, tôt ou tard, allait se réveler important.
Cette vision, bien que floue, comme toujours, apaisa l'esprit d'Ibsen. Elle calma son corps comme elle calma son esprit, et alors que la sagesse du monde l'emplissait encore, lui donnant ce regard vide si caractéristique des sourceliers lorsqu'ils regardent le monde par la lunette de la source, il ramassa le bouton.
Et, le toisant, pour une fois, il se permit un vrai sourire. Ses lèvres se fendirent véritablement, cette fois. On put même voir ses dents. Car cet enfant si étonnant, il le reverrait.
Aussi sûr que l'univers était gouverné par la source.
Et il y avait relativement peu de doute.
Enfin, il espérait, ses recherches n'étaient pas tout à fait finies.
--
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Elthenarion
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MessageSujet: Re: Away From Home   Away From Home Icon_minitimeVen 26 Aoû - 22:51

La lueur éternelle de Chèvreport illuminait la plaine et la mer sans discrimination particulière. Entre les phares cotiers, les lampions du quartier pauvre aux flammes inépuisables et celles, plus fastes, des maisons bourgeoises, il n'y avait jamais vraiment d'obscurité, dans ces endroits là.
Pourtant, tout n'était pas rose. Cette lumière, unique au monde, portait sa part de noirceur.
La ville était belle, très belle. Moderne comme pas deux en Ardalie, à la pointe du progrès sur beaucoup de plans. C'était après tout le plus grand port du pays et cela se ressentait.
Une ville cosmopolite et très ouverte, voila ce qu'elle représentait dans toutes les Terres Ocres. Certains, conservateurs, voyaient ça d'un mauvais oeil: en effet cette modernité se payait. Ses rues étaient secrètes, sombres et sineuses, et le crime prospérait autant que les activités honnètes. Pourtant, Chèvreport avait ses règles tacites, qu'on n'explicitait jamais vraiment mais qui existaient bel et bien. Quiconque se trouvant dans certaines parties de la ville à la nuit tombée s'exposait a des préjudices quelques peu douloureux. Il était hors de question, dès que le brouhaha incessant de la ville se calmait, de mettre les pieds innocemment dans les Angles sans risquer un suicide forcé sur sa personne. Dans ce quartier légendaire, même les assassins les plus endurcis et les prètres les plus pieux posaient le même regard prudent par dessus leur épaule. Même les meilleurs voleurs n'osaient pas garder de la menue monnaie sur eux en arpentant ces rues. Les couteaux y étaient proscrits: il fallait plus que ça pour rester en vie, et les criminels rivalisaient d'ingéniosité.
La dernière mode était le fléau de guerre a deux mains.
Ou pour les plus riches et téméraires, le fusil a silex.
Les yeux des passants encapuchonnés lancaient des éclairs a tous les coins de rue.
Mais il y avait pire que les Angles. Il y avait la Rue des Songes, et son mystère insondable. C'était l'une de ces règles tacites, mais sans doute la plus primaire. On ne rentrait pas dans cette petit impasse aux tournants vicieux. Jamais. Nul ne savait pourquoi, mais c'était aussi sur qu'il était impossible de voler (tout du moins, comme certains tendaient a le démontrer, sans des ailes volantes de très, très bonne facture. Malheureusement pour ces visionnaires qui avaient apportés cette découverte au monde, on ne peut pas toujours être à la fois un génie de la physique et un artisan hors pair.) C'était inscrit dans la mémoire du peuple, dans les os des habitants. Il n'y avait pas de question à poser sur cette rue ou le passant rentre mais ne ressort jamais.
Ou fou.
Et par dessus tout cela, surplombant de façon princière les petites maisons biscornues, les pavés et les venelles sinueuses et architecturellement douteuses, il y avait le Conservatoire. Et ses lueurs, a l'image de celle de sa mère la ville, ne conaissaient jamais un instant de repos. Les sourceliers, à Chèvreport, cherchent toujours des choses à faire exploser, même la nuit.
Car certes, sur le papier leurs expériences dénotaient d'intelligences aigues. De talent magique et de dynamisme, même. Mais en règle générale, expérimenter avec la Sourcellerie consistait majoritairement a faire ça, en tout cas en finalité. Faire exploser des Trucs.
C'était devenue une vraie science, confinée a ses propres quarties. La Trucexplologie vivait des jours heureux dans une annexe facilement reconstruisable alors que le reste de la grande bâtisse de vieille pierre rongée par la mousse et le lierre était relégué aux découvertes moins inflammables et plus... stables.
Elle surplombait la ville, massive batisse sur une colline à l'écart du noyau central. Avec des airs inquiétants de laboratoire du destin, d'usine de choses toutes plus fatales les unes que les autres. Et quelques soirs, surtout depuis un certain temps, ses fenêtres, impeccablement imparfaites, se chargaient d'énergie verdâtre. Et ces soirs là, les oiseaux volaient dans d'étranges directions, et des choses, toutes plus invraissemblables les unes que les autres, se déroulaient.
D'étrange coincidences. Des évennements implausibles. Quelque chose de bizarre dans la source.
Et ces nuits là, du haut d'un toit comme tant d'autres dans le quartier pauvre, deux regards fixaient la ville avec insistance. Un oeil vert et un bleu s'ouvraient souvent. Puis une deuxième fois. Et, tous ces soirs là, il s'initiait au spectacle de la ville. Et de tout ses mystères.
Parfois, les dieux n'avaient pas besoin de se mêler a quoi que ce soit pour s'amuser. Iseld, qui regardait souvent Chèvreport, ces temps-ci, sourit. Les sourcelliers étaient tellement plus créatifs que lui. Cependant, ce n'était pas une raison pour ne pas ressortir les grands classiques. Il jeta une pièce. Face. L'annexe de la Trucexplologie explosa pour la treizième fois depuis sa création. Non, décidément, certains classiques ne mourraient jamais.
Elle n'explosa que trois fois de plus sur les onze ans qui suivirent. Iseld eut mieux à faire. Beaucoup mieux.
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Elthenarion
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MessageSujet: Re: Away From Home   Away From Home Icon_minitimeVen 26 Aoû - 22:52

La pluie battait le pavé en cette nuit d'automne, le rendant glissant et traitre.
La venelle, par conséquent, représentait un piège mortel pour quelqu'un qui cherchait à s'enfuir. Fort heureusement, Fenarel le savait, et il prit soin de ne pas glisser lorsqu'il s'engouffra avec une agilité quasiment féline au coin, sautant par dessus un tonneau en prenant appui sur la goutière. Il ne courait pas à proprement parler, et chacun de ses mouvements était prudemment calculés. La seule chose, c'était que ces calculs ne duraient pas plus d'un infime instant. Et pour cette raison, il avait l'air, sous sa large cape noir, de léviter entre les murs, les gouttières et les toits comme une vague forme grisâtre et bondissante
Avec grace, il s'élèva jusqu'a un petit toit, et il scruta un instant les environs avant de repartir dans un grand bruit de tissu aussi vite qu'il n'était monté. La cape voletta un instant dans l'air alors qu'il tomba. Elle ne devait pas le rattraper. Pas si il pouvait l'éviter. Malheureusement, si ses yeux verts lançaient des éclairs, c'était par certitude qu'elle ne serait jamais très loin. Il fit un roulé boulé et plongea sous un étalage encore en état.
Un petit bruit de sa cape emplit la nuit avec un peu plus d'echo qu'il n'aurait dû, et il s'extirpa, toujours avec la même vitesse, d'un pan d'ombre vingt mètres plus loin. Il traversa la ruelle, plongea dans un muret obscurci par la nuit, et ressortit encore dix mètres en avant.
Il n'aimait pas user de sourcellerie de façon aussi puérile, mais il se devait de déstabiliser sa poursuivante autant que possible avec les déplacements les plus érratiques qu'il pouvait produire. Car bien qu'elle ne puisse pas sentir les fluctuations de la source, Elytrigia savait se diriger mieux que personne à l'odeur. Et un loup féroce et décidé ne lache jamais sa proie. Fenarel eut une moue d'inquiétude en revoyant dans son esprit les deux fentes jaunâtres encadrés par la centaine de mèches noires qu'il avait entraperçues dans l'ombre d'une rue quelques minutes plus tôt. Son coeur battait. Pour la première fois depuis longtemps, les émotions qu'il ressentait obscurcissaient son jugement, d'habitude si froid et méthodique.
Il allait mourir.
Pour la première fois depuis si longtemps qu'il aurait été impossible de le dire de mémoire d'homme, il ressentait la peur, la colère et l'amertume du désespoir. Il avait passé si longtemps à être le chasseur qu'il en avait oublié ce que ça faisait d'être chassé.
Pourtant, un sourire se dessina lentement sur ses lèvres, sous les longs cheveux bruns qui s'échappaient comme autant de mèches indisciplinées de son chignon serré. Il se rapella soudain les campagnes de Jerebel, la nuit, et les loups des monts-cendrés, et les pieux acérés, les flammes brûlantes et les insultes des villageois. Il se rapella son enfance et comment il avait appris a courir avec les torches dans son dos, par peur des très, très grosses fourches. Il ne se rappellait même pas du jour ou c'était devenu l'inverse. Ou il avait commençé a casser les fourches d'un coup de dent net.
Mais étrangement, ça lui avait manqué. On est pas tout à fait un vrai Sourcelier Renégat sans se faire courir après un minimum, sans le risque de la découverte et de la mort. Et son confort d'assassin lui avait fait oublier. Quelque part, sous les rayons du lunes aux présages néfastes, il se sentit bien pour la première fois depuis longtemps.
Il regretta juste de ne jamais vraiment avoir pû finir sa collection de bouchons ou son album de croquis, et de ne jamais vraiment avoir connu l'amour. Et ce matin, il n'avait même pas eu le temps d'aiguiser le couteau auquel il tenait tant.
Il revit un instant sa vie, dans l'euphorie de la fuite, entre deux sauts habiles. Elle avait été longue. Très, très longue. A en devenir las. Fenarel aurait aimé être philosophe: accepter son sort avec sagesse, après avoir vécu plus de vies qu'un être humain banal ne pourrait en rêver, après avoir brisé tant de tabous et tant découvert. Mais la pensée qu'il voulait encore vivre un peu plus le fit sourire plus encore alors qu'il bondit par dessus une cariolle glissante laissée à même le sol, roue cassée.
Non, franchement, s'il n'avait pas été poursuivi par une tueuse psychopathe et foutrement puissante, il aurait sans doute passé un bon moment.
Et puis, il entendit un bruit fendre la nuit. Pas un claquement ou même un bruit de course, mais un simple sifflement, quasiment imperceptible a l'oreille non entrainée. Et ses yeux s'écarquillant, ses canines s'affilèrent soudain alors qu'il reconnut le son caractéristique d'une aiguille de sarbacane. Son corps explosa en milliers de particules minuscules alors que l'acier froid imprima une faible pression sur son dos. L'aiguille s'écrasa sur un pavé sans la moindre trace de sang.
La silhouette floue de la femme-louve bondit sur la forme noire en pleine recomposition avant même qu'Fenarel ne puisse esquisser le moindre mouvement. Ses lourdes griffes d'acier transpèrcèrent le tissu. La cape retomba en un bruit mou sur le sol, déchirée de part en part par les trois lames ; chacune aurait pu rivaliser en longueur avec un bras humain, et pesaient certainement autant. De lourdes attaches de cuir encastraient l'arme sur le bras gauche de la jeune fille, comme si on avait voulu l'intégret a son corps en l'attachant sufissament sérré. Et malgré le poids de la chose, qui devait être proprement colossal, le corps frèle d'Elytrigia paraissait s'affranchir de son maniment avec une facilité proprement déconcertante.
Ses deux yeux de louve scrutèrent dans le silence le plus total la ruelle. De la cape il ne restait que quatres lamelles lacerées par l'acier tranchant à l'absurde. Fenarel dégluttit bruyamment, presque par provocation, et dégagea ses mèches de son front. Sous la lueur de la lune, et dans sa cape, sa nature était maintenant apparente. Ses canines longues dépassaient à peine de l'interstice de ses lèvres, et sa queue touffue claquait au vent comme celle d'un animal sauvage méfiant. Ses yeux, auparavent d'un vert terne, s'étaient mués en deux globes d'une noirceur fatale. Et la fourrue encerclait maintenant son cou comme un collier d'un noir profond.
Il n'aimait pas endosser sa forme chimérique ainsi.
Mais il n'aimait pas non plus mourir. C'était contre ses principes. Cela ne lui était jamais arrivé en cent ans de vie, et il comptait bien ne pas commençer ce soir. Quelque chose, un instinct animal refoulé, peut-être, lui disait d'une petite voix que fuir ne le mènerait qu'a la mort. Et ses sens de sourcelier ne firent qu'affirmer cette idée.
Les yeux bardés de lame de la jeune femme se posèrent sur cette nouvelle forme. Elle ne sourit pas, et s'il y eut une quelconque expression sur son visage, l'obscurité ne permettait pas de la distinguer. Elle n'avait jamais été très expressive. Fenarel le savait bien: elle ne dirait rien. Ne s'expliquerait pas, ne se lamenterai pas. C'était la meilleure de l'Ordre, après tout, pour un sale boulot.
Il sourit néanmoins. Il était un sale boulot: quelque part, il était flatté.
"C'était une cape très chère. Très bien. Velours. Mais, il est vrai, un peu lourde."
"Surtout sous la pluie" marmonna Elytrigia d'une voix terne
"Voila."
Le silence fut d'or pendant un court instant, puis le vent s'engouffra dans la ruelle en un sifflement percant. La première chose qui frappa Fenarel était le fait que la jeune fille était déjà a quelques centimètres de son visage après un simple instant. La seconde fut une griffe d'acier.
Il s'écrasa contre un mur avec la force d'un taureau projeté par une catapulte, creusant un trou qui resterait dans la légende dans le quartier de par sa netteté. Il se releva péniblement en dégageant les décombres de ce qui allait être son ultime, et seul message à la postérité. Une silhouette dans un mur. Il bondit dans les ombres une première fois, et roula dans la venelle depuis un coin d'ombre. Elle était toujours là, immobile, la griffe tâchée du sang de sa proie. Il plongea dans un ombre pour ressortir a quelques mètres d'elle avec la vélocité d'un fauve. Fenarel grogna alors qu'il se jeta sur elle sauvagement. Elle se etourna en un instant et frappa l'ombre de sa griffe, provoquant une nouvelle explosion de particules noires. La machoire acerée de Fenarel se reforma sur sa jugulaire en l'espace d'un instant, et se referma sur une chair tendre et pleine de sang. Il roula un peu plus loin dans son élan, et recracha le bout de chair qu'il lui avait arraché.
La jeune femme se retourna, les yeux brillant d'une lueur de folie malgré son épaule en sang, et soudain tous les sens de l'homme se glacèrent. La froideur du métal vint écraser de toute sa force son cou pour le plaquer au sol. Un lourd anneau de fer encerclant son cou, Fenarel ne put soudain plus bouger. De panique, il invoqua les ombres, et milles mains jaillirent de tous les espaces pour encercler de leur noirceur la jeune fille en un mouvement désespéré. Mais l'anneau de fer commençait à brûler la chair et la fourrure, doucement chauffé à blanc par l'influence néfaste d'Elytrigia. D'un sourire carnassier, elle fissura de sa lumière froide le cocon formé par l'ombre qui l'avait emprisonnée. Ce dernier explosa en mille morceaux fragiles qui se dissipèrent dans l'air comme du sable au vent. Et le métal continua, lentement, de chauffer. Et malgré ses souffrances, Fenarel ne s'accorda pas un seul cri, pas un seul gémissement. Il se mordait maintenant la lèvre, alors que sa véritable forme prenait de plus en plus le dessus, transformant son corps humanoïde en un vague amalgame d'animaux d'origine magique qui dépassait de loin la simplicité d'un organisme humain.
Les respirations d'Elytrigia, malgré leur discrétions, étaient haletantes. Elle n'haletait pas souvent. A vrai dire, c'était la première fois depuis longtemps qu'elle avait un peu de mal. Non, vraiment, elle aurait pu recevoir quelques cicatrices non négligeables de ce coup de dents innatendu. Enfin, bien sûr, si et seulement si elle avait cessé de se régenerer. Et, alors que ses yeux se chargèrent soudain de quelques ridules discrètes, son épaule, comme prise dans une lueur faible, régénéra entièrement en l'espace de quelques secondes. Mais les fines ridules qui cerclaient maintenant son visage étaient témoins de ce qu'elle avait été forcée de faire.
Fenarel, malgré la douleur, jeta un regard a celle qui, dans quelques instants, allait être son exécutrice. Et malgré la douleur qui contractait tous les muscles de son cou, lui donnant une voix blessée, mutilée, il laissa échapper ses dernières paroles sans mème un gémissement.
"Tu... tu sais que tu me devais une bière?"
"Non." La belle tourna ses yeux vers le corps convulsé de Fenarel
"Pourtant, je suis sur que quelque part, dans cette ville... il... il y a un cercueuil avec mon nom dessus. Héhé... héhé" son rire était forcé, guttural et cassé à la fois. Le rire d'un mort.
"Non. Tu mourras ici. Dans la rue, dans le silence." Dit-elle, laissant échapper un faible gloussement froid. L'ironie de la situation, elle la saisissait bien. Le chasseur chassé. Le tueur tué. Le renard a peine relaché à la nature, tué par un loup plus aguerri.
"Alors la ville sera mon cercueuil... tu sais... je... j'aimais bien ici. C'était vachement mieux que la campagne." cracha à moitié Fenarel, maintenant hagard
"Ah oui?" dit-elle, écoutant à motié, occupée à extraire une lame argentée, ornée des décorations sacrées de l'Ordre, de sa main.
"Moins de... de torches. Et de... fourches, j'imagine." dit-il. Il toussa. Deux fois
"J'imagine."
La pression se relâcha subtilement sur le cou du renard, maintenant trop faible pour échapper à la lame d'acier blanc que son exécutrice lui pointait à présent dessus. Il ne reconaissait que trop bien les runes d'argent pur incrustées dans la lame, la poignée en ivoire et la froideur qu'elle distillait dans l'air. La même relique pendant sans doute quelque part a sa ceinture. S'il ne l'avait pas perdu en route.
Il toussait maintenant, brisant ponctuellement le silence ou la mélodie du vent dans la ruelle. Puis, ayant accepté son sort, il regarda Elytrigia avec un étrange sourire.
"Je... je suis un traitre, non?"
"Oui." acquisca t-elle sans même une expression sur son doux visage.
"La manière douce?" demanda t-il, sans implorer, juste pour savoir.
"Cinq minutes pour te vider. Je n'appellerais pas vraiment ça la manière douce."
"Hé... Héhé... plus de tendons, le sang qui coule, et pour être sûr, la bonne dose de poison... Comme on m'a appris il y a longtemps, non?"
"Oui."
Alors que le métal se dissipa au vent autour de son cou, laissant quelques vestiges de son existance dans sa fourrure calcinée, Fenarel releva la tête vers les cieux. Son regard s'obscurcit soudain de blanc alors que la douleur emplit tout son corps, mais, se mordant la lèvre, il ne laissa pas échapper un seul cri. Il ne vit pas les étoiles, sous la pluie battante. Les gouttes vinrent s'écraser sur son visage avec force.
Bordel. La nuit n'était même pas propice a une bonne vieile mort bien ficelée. Et même philosophe, il il fronca les yeux. Il aurait bien aimé vivre un autre jour. C'aurait été sympa.
Il ne finit jamais sa collection de bouchons. N'aiguisa jamais son couteau favori. Celui d'Elytrigia glissa doucement sur son corps meurtri. Puis elle disparut.
Rien ne se passa.
Cela lui parut durer une éternité. Il sentait vaguement une chaleur éphémère se répandre sur son torse et sur ses membres, et puis bientôt il fit froid. Très froid.
Le vent sifflait. Ses yeux perdirent lentement leur tranchant alors qu'il se sentit dériver. Il se souvint. Il se revit enfant, il revit son premier baiser. Son premier meurtre. Et encore bien des choses qui ne s'étaient pas vraiment passées comme elle l'aurait dues. Et puis, alors qu'il entendit un bruit étrange sortir d'une ruelle, ayant perdu presque toute sa vue, il constata avec dégout que même sa mort n'allait pas se passer comme elle l'aurait dû.
Un regard se posa sur lui. Un doigt vint tâter son cou ensanglanté. Son pouls, déclinant, commença à mourir dans sa poitrine. Mais au loin, derrière un rideau, quelque part en particulier sans qu'il n'eut pu dire ou, il entendit une petite voix. Il sentit une moue genée, un froncement de sourcils subtil. Et une colère ancestrale, comme provenant des dieux ou du fond des âges. Et cette colère l'emplit alors que la petite voix résonna dans tout son être.
"Tu... tu vas mourir?"
Fenarel chercha d'ou provenait la voix. Il ne savait pas. Il n'aurait même pas dû pouvoir l'entendre, à vrai dire. Tous ses sens, l'un après l'autre, s'étaient éteints, et sa perception avec. Pourtant, il continuait d'entendre l'enfant. Alors, sans se poser de questions, sûr de rêver, de délirer avant de partir, il lui répondit.
"Oui." laissa t-il échapper
"Pourquoi?" lui demanda la petite voix
"J'en sais trop."
"Pourquoi?"
"Ils veulent faire de grands projets. Et je gène."
La voix se charga de colère et prit en intensité:
"Pourquoi?!"
"La ville ne sera plus. Je n'étais pas d'accord."
"Quoi?! Mais... Mais..."
La voix grandit, grossit dans l'esprit hagard de Fenarel pour devenir d'une intensité divine, comme celle d'un esprit habité seulement par un concept, par une idée si simpliste qu'elle en devint d'une puissance surhumaine. Il y avait quelque chose qui crépitait de la magie la plus sauvage, comme un flot de source sauvage emplissant l'espace et le temps en ce point précis. Quelque chose qu'en cent ans, même sa nature Chimérique n'avait jamais ressenti.
"C'EST MA VILLE! Ils n'ont pas le droit! Tu dois... Tu dois m'expliquer!"
Fenarel eut envie de sourire, mais n'en fit rien. Il ne pouvait plus. Plus rien ne semblait répondre. Son heure était venue. Et s'il ne voyait pas la silhouette encapuchonnée ou la dague de Nite, dieu des morts, il les sentait se rapprocher. Il n'avait jamais vraiment été supersticieux. Ou allait-il aller maintenant? Sans doute se fondrait-il dans le flot de la source. Devenir l'univers... ce n'était peut-être pas si moche que ça
"Je ne peux pas, dit-il dans son esprit. Je vais... Je vais... mourir. Merde."
La voix résonna une nouvelle fois, décuplée, comme une plainte déterminée, et la puissance fit vibrer la nature même de la réalité en un bourdonnement enivrant alors qu'elle prit des tons impossible.
"Non"
"Comment ça?" Demanda Fenarel, interpellé et amusé à la fois, mais aussi titillé par un mauvais pressentiment.
"J'ai dit: NON." dit la petit voix, maintenant chargée d'énergie magique. Etrangement, Fenrael eut l'image d'un sourire. Et pas franchement le bon genre de sourire. "Et quand je dis NON, c'est NON!"
Un grand vent se leva sur Chèvreport, annoncant une tempète imprévisible. La bourrasque, plus violente qu'aucune qu'on avait pû voir depuis longtemps, fit tourner les girouettes a n'en plus pouvoir, balaya les tuiles mal fixées et quelques ouvriers du batiments qui aimaient bien travailler les toits la nuit (enfin, c'était ce qu'ils disaient à la garde en cas de question). Elle fut impressionnante. La pluie redoubla d'intensité pour faire des pavés le lieux de mille et une petits ruissaux impétueux.
Ce fut une tempète comme Chèvreport n'en avait pas connu en dix ans. Et quand, le lendemain, monsieur Bilbonno, boucher bedonnant de la rue des Carrolins, s'exclama d'un rire guttural qu'il y avait plus de saison ma bonne dame, tout le monde acquiesca. Tout le monde.
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